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Indignation légitime : Un regard critique sur la démocratie sénégalaise (Par Amadou Ba)

S’inscrivant dans le calendrier électoral, le Président de la République a pris par le décret n°2023-2283 du 29 novembre 2023 portant convocation du corps électoral. Dans cette logique, le Sénégal a lancé un message fort, celui de promouvoir la compétition électorale sur la base d’un scrutin présidentiel inédit organisé sans la participation du président sortant (Macky Sall, conformément à sa promesse). Il s’agit d’une décision forte et très républicaine de la part du chef de l’État, qui a d’ailleurs été saluée par la communauté internationale.

Malgré ces progrès remarquables de la démocratie sénégalaise, aujourd’hui, le peuple est confronté à une situation complexe et très regrettable en raison du revirement constaté depuis le 3 février 2024, avec l’annonce du discours du Président à la Nation. À la lecture du discours, le Président de la République évoque, par ces mots, sa qualité de Président garant du fonctionnement régulier des institutions et respectueux de la séparation des pouvoirs (…).

Sur la base de ces motifs très légers, le Président de la République a signé le décret n°2024-106 du 3 février, abrogeant le décret 2023-2283 du 29 novembre 2023 portant convocation du corps électoral. Cela justifie le report sine die de l’élection présidentielle prévue le 25 février 2024. Historiquement, depuis 1963, aucune élection présidentielle n’a fait l’objet d’un report au Sénégal. Cette annulation est inédite dans l’histoire politique du pays.

De ce fait, l’indignation du peuple sénégalais envers le Président de la République est justifiée et très légitime. Concrètement, l’expression de la volonté populaire est offusquée et le processus électoral est peu probable vu le contexte socio-politique instauré depuis cette annonce. Au-delà de cette confiscation, la démocratie sénégalaise pose problème dans la mesure où l’incarnation de la souveraineté nationale par le peuple sénégalais, comme le prévoit l’article 3 de la Constitution du 22 janvier 2001 modifiée, reste une fausse idée claire. Du point de vue juridique, rien ne justifie ce report de l’élection présidentielle, car l’élection constitue un moment crucial dans une démocratie. Sans respect du calendrier électoral, la démocratie perd tout son charme.

Ce « moins mauvais des systèmes » reste tout de même l’affaire des gentlemen et des grandes dames. Pour y parvenir, il faut un leadership affirmé et une bonne gestion, gage d’une démocratie crédible et participative. L’indignation est juste et légale si l’Assemblée nationale, dernier rempart de la représentation populaire, ne remplit plus sa fonction d’antan.

Et si le « Peuple sénégalais » n’est-il pas victime dans le jeu politique ? Objectivement trahi par la nouvelle configuration de cette assemblée où l’on remarque une opposition à double facette. Subjectivement orienté vers une fonction de cette Institution de la République difficilement localisable dans la mesure où les lois passent comme une lettre à la poste sans débat constructif et contradictoire.
Oui, on s’indigne parce qu’on nous a changé notre République, pour reprendre Maurice Haurioux lorsqu’il s’indignait sur la crise du service public et le changement de l’appareil d’État. Pour lui, « on nous a changé notre État ». Aujourd’hui, le Sénégal vit dans cette même situation.
On s’indigne parce que les valeurs démocratiques sont asphyxiées.

On s’indigne parce que la souveraineté nationale est réécrite et n’appartient plus au peuple.
On s’indigne parce que les décisions de justice s’appliquent difficilement de manière ergaomnes.
On s’indigne parce que l’image de la démocratie sénégalaise est écornée.
On s’indigne parce que les principes du service public (égalité, neutralité et équité) sont difficilement applicables à l’administration sénégalaise.
On s’indigne parce que la séparation des pouvoirs dans l’ordre constitutionnel sénégalais est utopique.
On s’indigne parce que la justice sociale au Sénégal pose continuellement problème.
On s’indigne parce que l’intégration régionale est en perpétuelle quête d’identité.
On s’indigne parce que la Constitution n’est plus la norme suprême au sommet de la hiérarchie des normes.
On s’indigne parce qu’il est nécessaire de réinventer notre État et de repenser l’administration en conformité avec les exigences du monde actuel.

AMADOU BA, Juriste en droit public, UCAD
Mail: amaba1996@gmail.com

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