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Grands érudits en sciences islamiques : Sur les traces des savants du Fouta

Le Fouta Toro se situe de part et d’autre du fleuve Sénégal. Cette position en fait un trait d’union entre le Sénégal et la Mauritanie, deux pays frères. Du côté sénégalais, on délimite la plupart du temps le Fouta de Dagana à Bakel. Aussi, sur ces vastes étendues de terre, de culture, d’agriculture, d’élevage… naquirent et naissent toujours de grands érudits en sciences coraniques et islamiques.

Le Fouta, fortement islamisé, est divisé en provinces à caractère administratif et traditionnel avec, à partir de l’ouest jusqu’aux limites du Walo, le Toro, puis successivement, vers l’est, le Lao (law), le Yirlabé, le Bosséa et le Nguénar et enfin, à l’extrême est, le Damga, aux abords du Guidimakha. Nous vous présentons, dans ce Cahier, quelques grandes figures qui ont marqué, de leur empreinte, l’histoire religieuse et l’enseignement des sciences islamiques, mais aussi la propagation de la tidjania.

THIERNO HAMET BABA TALLA

Maître des « waliyou »

Thierno Hamet Baba Talla de Thilogne reste, sans conteste, un maître. Il a formé de grands noms dans l’enseignement coranique et des sciences islamiques. À son époque, son académie, sise à Thilogne, était sans conteste un centre universitaire qui a permis au Fouta de renouer avec la tradition, après la fermeture de nombreux foyers religieux du fait du départ d’El Hadji Oumar Foutiyou Tall, pour son « djihad ».

Plusieurs légendes sont rapportées sur la vie et l’enseignement de Thierno Hamet Baba Talla (1871-1935). Celui qui pourrait être qualifié de recteur de l’université ou l’académie d’enseignement de Thilogne n’aurait formé que des « waliwou ». « Je ne sais pas si tous ses élèves ou étudiants sont devenus waliwou (savants), mais je suis persuadé qu’ils étaient tous de grands érudits », fait remarquer Thierno Mamadou Lamine Ly de Doumga Ouro Alpha dont le père, Thierno Cheikh Youmakane, a été disciple de Thierno Hamet comme est appelé l’enseignant émérite de Thilogne.

Une autre légende rapporte également qu’il n’y a eu qu’un seul de ses élèves qui n’ait pas maîtrisé le Coran. Bucheron, celui-ci s’est fait remarquer par les tablettes destinées aux élèves coraniques. Et quiconque étudiait avec sa tablette était sûr de maîtriser le Coran. Par la baraka du maître de ce « labo » (singulier de laobé). Au-delà de la légende, le retour sur la vie de Thierno Hamet, comme il est encore affectueusement appelé sur toute l’étendue du Fouta, est un rappel de la quête de savoirs dont il s’est fait montre, mais surtout sa transmission. Né dans un Fouta (à Sinthiou Bamambé plus précisément) juste au lendemain de « l’émigration de la quasi-totalité des érudits, chefs religieux, enseignants et fidèles ayant suivi El Hadji Oumar Foutiyou Tall vers l’est », Thierno Hamet s’est battu pour reconstituer un trésor de savants après avoir fait ses humanités dans différentes écoles. Et surtout s’être formé et consolidé dans la vie par des voyages, rencontres, découvertes. Son petit-fils, Mouhamed Moustapha Talla (fils de la fille aînée de Thierno Hamet), dénombre, dans l’ouvrage « Histoire de l’académie islamique de Thierno Hamet Baba Talla de Thilogne » qu’il lui a consacré, plus de 150 disciples originaires du Fouta et des deux Guinée, du Mali, de la Mauritanie, du Niger. L’enseignant arabe à la retraite insiste sur le fait que le « mouvement omarien a eu comme conséquences dommageables la fermeture de la quasi-totalité des écoles coraniques dans le Fouta ».

Le recteur de la grande université islamique de Thilogne

Ainsi, les hommes « sortis du moule de l’école de Thierno Hamet sont des témoignages édifiants et des preuves manifestes attestant de la place qu’occupait Thierno Hamet dans le monde des sciences et des lettres arabo-musulmanes », rappelle le petit-fils qui a longtemps enseigné l’arabe en Mauritanie et consacré près de 20 ans à la recherche pour écrire son livre. Installé dans les nouveaux quartiers de Thilogne, du côté de la route nationale, Mouhamed Moustapha Talla, semble profiter de sa retraite et plonger dans la médiation malgré la perte de sa vue. Bien qu’aîné des petits-fils, il n’assure pas le khalifat puisqu’il est descendant du saint homme par sa mère. Ce qui n’entrave en rien les relations avec ses autres cousins qui continuent d’élire domicile dans le Thilogne traditionnel où surgissent des bâtiments modernes.

La ferveur et les différents cycles dans l’apprentissage, encore réels, sont les témoignages d’un passé glorieux et bien conservé dans cette vaste cour où des centaines d’élèves psalmodient, récitent des versets du Coran, écoutent les explications d’un maître sur un enseignement spécialisé. La cour grouille de monde et les préposés à l’enseignement sont tous des petits-fils de Thierno Hamet qui se font un devoir, comme dans de nombreuses familles du Fouta, de perpétuer la tradition dans l’enseignement. L’école actuelle a été ouverte par Mouhamed Abdourahim Talla, fils de Thierno Hamet, et qu’il a léguée à son fils et khalife actuel de la famille Thierno Siradio Talla. Ce dernier vit en parfaite intelligence avec ses frères, cousins et enfants, partageant les repas et échangeant des nouvelles.

De cette académie actuelle, qui grouille d’enfants venus de partout, sortiront certainement des hommes de sciences comme du temps de l’époque de Thierno Hamet. On pourrait citer avec Thierno Mouhamed Moustapha Talla parmi ceux-là, Thierno Mamadou Bocar Kane de Kaédi considéré comme l’héritier spirituel, Thierno Baba Gallé Wone également de Kaédi même s’il a vécu longtemps à Diourbel. Thierno Aliou Thierno Yéro Bal (Nguidjilogne), Aladji Mamadou Seydou Bâ (Madina-Gounass), Thierno Abderrahmane Sall (Thierno Banadji), Thierno Alpha Ibrahima Wane (Kanel), Thierno Cheikh Youmakane Ly (Doumga Ouro Alpha), Thierno Amadou Ibrahima Datt (Dioum)… Tous ont été parmi ses disciples. Ces nombreux élèves, avec leurs descendances et la famille réelle, perpétuent l’enseignement auquel s’était attaché Thierno Hamet toute sa vie durant tant les écoles ou académies ont fleuri et rivalisent d’ardeur dans la transmission des connaissances.

La réputation de l’université des Thierno Hamet réside également dans le fait qu’il enseignait toutes les sciences religieuses islamiques.

Le père de Mouhamed (le vrai nom de Thierno Hamet) Baba Talla, Sidiki avait, avant son décès, fait un « testament selon lequel sa mère Sokhna Zeinaba Coumba Anne devait s’occuper de lui, l’éduquer jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge scolaire », selon Mouhamed Moustapha Talla. Cette mère devait ensuite l’envoyer au village natal de Sinthiou Bamambé pour des études auprès de Thierno Bocar Sow à l’âge de 5 ans. « Malgré son bas âge et l’éloignement de sa mère, il était très sérieux et travaillait avec zèle. Très vite son maître fut frappé par son intelligence, son ouverture d’esprit, sa capacité énorme de mémorisation et son désir manifeste de poursuivre son apprentissage avec rapidité », écrit dans son livre le petit-fils.

Il mémorisa le Coran avec Thierno Bocar Sow, « sacrifiant au désir de son défunt père ». Revenu à Thilogne avec son « idiaza » (licence), il sera confié à son frère Cifré Talla qui prend dorénavant en charge son enseignement et son éducation. Les deux frères partiront en Mauritanie. Au rappel à Dieu de ce frère, la maman se lance dans la recherche d’un nouveau maître pour son jeune fils. Ce nouveau maître sera Thierno Ahmad Makhtar Anne (Thierno Yéro Baal) de Nguidjilogne qui « n’avait d’égal tant il maîtrisait parfaitement toutes les sciences dont un étudiant avait besoin », selon Mouhamed Moustapha Talla. Il ajoute que « Thierno Hamet n’avait besoin que de quelqu’un désireux de l’aider à achever ses études déjà très avancées. Il possédait un niveau remarquable en langues et sciences arabo-islamiques. Il ne lui restait à voir, avec son maître, que les matières dites d’achèvement telles que la rhétorique et ses branches, la logique (analytique) et d’autres comme les racines du fiqh ». Il apprend également que Thierno Hamet prendra l’habitude de se substituer, durant son séjour, au maître dans l’enseignement des disciples, notamment lorsque celui-ci devint aveugle.

Nombreux voyages

Et malgré ses « occupations prenantes et enrichissantes », Thierno était tenaillé par le « souci de mieux prendre en charge sa mère et toute sa famille ». Ce qui l’amène à se rendre à Dakar, une ville « pleine d’opportunités ». En cours de route, il s’arrêta à Saint-Louis où il entendit parler d’un « chantre incontestable du savoir en la personne d’El Hadji Malick Sy ». Il s’attacha à l’homme et tira profit de son vaste savoir. Il le « suivit d’ailleurs dans ses trois villes d’élection (Ndar, Tivaouane et Dakar) pour continuer à puiser dans ce puits inépuisable », selon son petit-fils. « Il écoutait et observait El Hadji Malick Sy. Et de temps en temps, il remplaçait le saint homme dans la transmission des connaissances… El Hadji Malick se tenait, d’ailleurs, parfois pas loin du théâtre des opérations, en écoutant et observant avec satisfaction l’enseignement que Thierno Hamet livrait aux disciples qu’il lui avait confiés. C’est ainsi qu’il constata sa maitrise en la matière, son ton clair et agréable et sa capacité à rendre intelligible sur des questions extrêmement compliquées », explique le petit-fils.

Après de nombreuses années de voyage, loin de Thilogne et de la mère, Thierno Hamet se décide de rentrer sous la pression de celle-ci et d’un nommé Thierno Ahmed Tidiane Wone de Kaédi qui lui finance un commerce (boutique). C’était en 1908. Il décide alors de se consacrer exclusivement à l’enseignement. Au grand bonheur des Foutanké. Mais aussi avec des règles strictes qui faisaient office de « pratique méthodologique et de procédure disciplinaire ». « Ses élèves acceptèrent d’ailleurs volontiers ces conditions : la limitation de la leçon à apprendre revient au maitre et non à l’apprenant, il n’y a qu’une seule leçon pour tous les apprenants qui désirent l’apprendre et un étudiant ne peut avoir qu’une seule leçon dans la journée, il a désigné et limité les jours de la semaine pendant lesquels il enseignait pour consacrer les jours restants au repos et à d’autres occupations », révèle Mouhamadou Moustapha Talla. Thierno Hamet enseignait gratuitement. Le nombre de ses élèves commença à prendre de l’ampleur et son école l’envol.

DE LA KHADRIA À LA TIDIANIA

La grande implication d’El Hadji Malick Sy

Disciple khadre au début, Thierno Hamet Baba Talla est devenu adepte de la tidjania grâce aux efforts appuyés et inlassables de El Hadj Malick Sy et du Chérif Mouhamdou Moctar Aïdara de Kayes. Il faut dire que c’est à travers ses multiples voyages à caractère scientifique que Thierno Hamet a rencontré Cheikhna Sadibou Ould Sidya, un « homme détenteur d’une grande science religieuse qui le consacra dans la tarikha qadria (autorisation et licence à la fois) ». Cet honneur, il le partage avec d’autres grands saints du Fouta de l’époque comme son maître Thierno Ahmad Mokhtar Anne (Yéro Baal), selon l’historien Cheikh Moussa Camara.

L’enrôlement de Thierno Hamet Baba dans la tidjania se fera avec l’aide de El Hadji Malick Sy avec qui il avait une « proximité certaine ». Ce dernier avait « pris la décision de tout faire pour qu’il le rejoigne dans la tidjania », selon Mouhamdou Moustapha Talla. Avec patience, le sage de Tivaouane pensait « agir progressivement afin de laisser le temps à Thierno le soin de procéder à un choix délibéré puisque son compagnonnage avec cet homme d’une grande dimension lui avait révélé que celui-ci savait choisir en connaissance de cause », écrit l’auteur.

Chacun campait sur sa position, poursuivant sa voie jusqu’à la venue de Chérif Moctar de Kayes à Dakar. « Maodo mit à profit cet évènement pour accueillir le saint homme avec Thierno Hamet. Le but non avoué était de mettre encore plus de pression sur ce dernier en tirant parti de la présence de Chérif Moctar pour qu’enfin Thierno rejoigne la tidjania. L’ambition était tout autre pour Thierno Hamet. Il ne désirait rien de plus que rencontrer le descendant du Prophète (Psl) et connu pour être un chef religieux réputé par le rang très élevé qu’il avait atteint dans l’Islam soufi », explique l’auteur. Thierno Hamet finit par embrasser la tidjania au contact de Chérif Moctar. Au grand bonheur d’El Hadji Malick Sy et de ses nombreux disciples.

SourceLe Soleil
Senescoop Media
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