Préface/ Mamoudou Sidy Ba dit Doro
Pour deux raisons nous avons accepté de préfacer cette œuvre : « Tourbillons » de Fatimata Amadou Ba parue aux éditions : « Nuit et Jour ».
D’abord, l’intention d’écrire une série de réflexions sur des thèmes aussi variés que complexes relatifs à la vertu, pour une jeune fille de son âge, ne relève pas de l’ordinaire. Ensuite, le goût porté à la littérature par cette néophyte hors paire que nous avons rencontrée à l’occasion du salon international du livre de Matam, en Mai 2024, démontre que le Fouta des profondeurs recèle d’ une génération de littéraires qui ne demande qu ‘ à être promue.
Quelques motifs qui me semblent suffisants, pour interpeller les écrivains que nous sommes à apporter une pierre à l’édifice littéraire en participant à la formation de ces génies de la plume en miniature. Écrire dans une langue étrangère telle que le français reste toujours un obstacle à l’éclosion de la pensée africaine ; dans ses valeurs les plus profondes. Cependant, cet ouvrage semble transcender les cultures pour se hisser au niveau de la condition humaine, des sociétés multiples et de l’individu, tout court.
La perspicacité d’esprit de Fatimata Amadou Ba et son éducation religieuse poussée, vite transmise de mains de maître par un entourage attaché à la notion de dignité et de tolérance ont donné naissance à une fille éveillée et plus mâture que son âge. Engagée pour la revalorisation de la dignité humaine, pour le respect de soi et d autrui et la perpétuelle culture de la foi, l’originaire d’Asnde Balla a eu tout le mérite d oser et de réussir une œuvre atypique. En dépit d’ une affection maternelle à distance, tardivement retrouvée, elle a pû tirer son épingle du jeu grâce à un père affable et toujours présent.
Dans un contexte de conflits intérieurs avec nous mêmes, nombreux sont ceux qui démissionnent pour jeter le tort au sort qui n a pas été gentil avec nous. Aujourd’hui, si Fatimata se fait l’écho des sans voix, c’est grâce également à son dévouement sans relâche à la culture de la lecture qui est en train de forger en elle les caractéristiques d’ une écrivaine qui n’ a pas peur d appeler le chat par son nom.
« Tourbillons » est cette succession d’événements, de récits mais surtout d’éveils de conscience dans des sociétés où plusieurs de nos valeurs sont clouées au pilori, éclaboussées et piétinées pour laisser la place à des pseudos vertus qui, si l on n’y prend pas garde nous mèneraient directement vers le gouffre. Par une écriture fine, pointue voire incisive et par endroits métaphorique et allégorique, l’enfant d’Asnde pointe du doigt la précarité de la vie , les moments de solitude, de mélancolie mais de sursaut devant toute épreuve. Elle nous replonge dans la certitude de la mort et de son caractère inéluctable. Cependant, l’espoir semble permis, car nous avons toujours notre pion à pousser et tant que la partie n ‘est pas terminée, il ne faut pas s’avérer vaincu. Et même devant l’échec, l’on peut toujours rebattre les cartes et recommencer. L’ amour a raison sur tout ; cet amour réel, véritable, de partage dans le bonheur comme dans le malheur…bref de cet amour inconditionnel pour lequel, le Seigneur nous a créés et par lequel nous devons nous entre aimer. La véritable histoire d’ amour,c est aussi celle là qu’ on a avec soi même quand les autres nous tournent le dos ou font semblant de ne pas voir notre présence.
Cet essai poétique aux relents de style en prose ; si vous voulez, ces réflexions littéraires tirées des faits quotidiens, abreuvées dans le suc de l’âme et les artères du cœur nous mènent dans le bouillonnement du monde.
Ce monde visible mais aussi, parfois ,invisible avec ses lots de joies,de peines, de déceptions, de lâcheté ,d’hypocrisie voire de renoncement aux devoirs…. est peint avec rigueur . Un engagement à ouvrir des solutions pour une meilleure harmonie mutuelle, s’ ouvre tout au cours de l’ouvrage.
Et si nous aneantissions la peur, le regard de l’autre, les préjugés souvent infondés des individus et des sociétés, la voie de salut pourrait surgir .Car, quel que soit le déterminisme social , l ‘Homme a sa part de responsabilité dans ses échecs comme dans ses réussites.
Lorsque la masse d’ air située au voisinage du sol est très instable ; les météorologistes ou les climatologues parlent de tourbillons. Qu’ en est- il des tourbillons sociaux ? des turbulences morales et enivrantes dans lesquelles nous nous enchevêtrons quotidiennement parfois sans nous demander pourquoi ? L’ ouvrage de Fatimata Amadou Ba nous conduit à réfléchir sur la légitimité et le sens de l ‘éducation que nous devrions apporter à nos enfants, dans un monde de turbulences tous azimuts ,aux mutations sociales vertigineuses.
Par une approche métaphysique aussi, l’auteur nous interpelle, par la foi et la raison, à bâtir un monde non pas parfait mais où chacun sera à sa place pour tenter de jouer sa partition à la construction d’une culture plus humaine et viable en vue de l’harmonie mutuelle des peuples où l individu comptabilisera sa part de responsabilité en bien comme en mal dans l’architecture.
Bonne lecture
Mamoudou Sidy Ba dit Doro, écrivain.
