Reportage : «Surfer» sur le toit des trains, le dangereux phénomène à la mode

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A Paris, un jeune homme est entre la vie et la mort depuis samedi matin 28 octobre après être tombé du toit d’un métro. La semaine dernière déjà, un autre jeune de 16 ans avait perdu la vie en glissant lui aussi du toit d’un métro parisien.

Des accidents assez fréquents liés à une nouvelle pratique qui foisonne sur les réseaux sociaux, le « train-surfing ». Autrement dit, le fait de se tenir debout sur le toit d’un train en mouvement. Une activité extrêmement dangereuse et qui connaît un succès croissant à travers le monde.

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Les images sont vertigineuses. Caméras embarquées, les adolescents progressent de toit en toit sur les wagons du métro en mouvement, esquivant les lignes à haute tension ou l’entrée des tunnels. Parfois cramponnés sur les flancs du véhicule, ils évitent des trains qui arrivent en sens inverse et les obstacles qui bordent les voies ferrées. Le tout sur des machines lancées à pleine vitesse. Le « train-surfing » a, depuis quelques années, le vent en poupe et les vidéos pullulent sur les réseaux sociaux.

Mais cette pratique risquée coûte régulièrement la vie à un certain nombre de jeunes en quête d’adrénaline. Samedi 28 octobre, un homme de 20 ans a été transporté dans un état très grave à l’hôpital après être tombé du toit d’un wagon à Villejuif, dans le Val-de-Marne. Un accident qui survient quelques jours après la mort d’un adolescent de 16 ans dans des circonstances similaires dans le XVe arrondissement de Paris.

Après avoir grimpé sur une rame de la ligne 6, prisé des adeptes du train-surfing en raison de ses tronçons aériens, l’adolescent a percuté la verrière du toit de la station Bir-Hakeim avant de basculer sur les voies. Malheureusement, ce drame n’est pas le premier du genre. Déjà fin décembre 2016, un Britannique de 17 ans avait connu un sort semblable, sur la même ligne de métro, toujours dans la capitale française.

Mais la France n’est pas le seul pays concerné par ce phénomène, loin de là. A la recherche de sensations fortes, des jeunes du monde entier s’adonnent à cette dangereuse mode avant de poster leurs exploits sur YouTube. De New York à Melbourne, en passant par Moscou, Kiev ou Londres, ces surfeurs d’un autre genre utilisent les moyens de transport comme un véritable terrain de jeu.

Allemagne, Russie, Afrique du Sud, Inde…

Si voyager sur les toits à cause des trains bondés ne date pas d’hier et reste toujours d’actualité dans nombre de pays, en faire une activité à part entière pour les sensations qu’elle procure remonte à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Le train-surfing s’est d’abord développé en Allemagne avec le « S-Bahn surfing » (du nom des trains de banlieue allemands) et en Russie, où ses adeptes ont commencé à s’organiser et à se faire appeler « zatseperi » (du verbe « s’accrocher » en russe).

A l’origine, on attribue l’émergence de cette pratique à des jeunes désœuvrés vivant à proximité des chemins de fer. « Ce n’est ni un sport ni un moyen de défier les autorités, expliquait à l’AFP le sociologue russe Alexandre Tarassov en 2014. C’est un moyen de tuer le temps pour des jeunes dont personne ne s’occupe, ni l’Etat, ni la société, ni leurs familles. »

Un contexte social qu’on retrouve notamment en Afrique du Sud. En 2014, le photojournaliste italien Marco Casino a mis en lumière dans son documentaire Surfing Soweto la mode de ce qui est appelé dans les bidonvilles de Johannesburg, le « staff riding ». Pas de danse sous les lignes électriques et courses effrénées sur les quais ou les voies, les surfeurs de la ville de Katlehong expliquent que « c’est un moyen d’expression, une façon d’exorciser ta colère ».

Le réalisateur Adrien Cothier, lui, a fait un constat semblable à Mumbaï, en Inde, pour son documentaire Train Surfers. Il a suivi un groupe de jeunes qui brisent l’ennui du quotidien en jonglant avec le danger sur les rails. « On se fiche de risquer nos vies, explique l’un d’entre eux. On s’amuse. On verra plus tard. »

La tentation du buzz

Mais le phénomène a véritablement explosé dans les années 2010, avec le développement d’Internet et des réseaux sociaux. Et c’est aujourd’hui le cœur du problème, estime Léo Urban, adepte du parkour, une discipline sportive consistant à franchir des obstacles urbains dans un mélange de course et d’acrobaties. Bien que les deux activités semblent apparentées, elles sont bien distinctes, souligne-t-il. Et s’il lui arrive de pratiquer le train-surfing, c’est toujours avec beaucoup de préparation.

Interrogé par RFI, il explique en effet que ce n’est pas quelque chose « à prendre à la légère », que cela nécessite de l’entraînement, un état d’esprit, et que chaque tentative demande auparavant de repérer et d’évaluer les lieux, les dangers potentiels, etc. « Il faut des années d’expérience pour faire ça. Ne serait-ce que pour avoir les bons réflexes au bon moment, parce qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver », insiste-t-il.

Or, avec la recherche effrénée du coup d’éclat sur le Toile, des jeunes inexpérimentés se mettent en danger. « Cette vague internet qui nous pousse à faire le buzz à tout prix est très néfaste pour des jeunes qui sont en recherche d’identité et qui sont prêts à faire des bêtises pour rien », analyse-t-il. Sur les vidéos qu’il met en ligne sur internet, Léo Urban déconseille fortement aux non-professionnels de tenter la même chose.

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