La nouvelle est tombée ce samedi 22 mars 2025, au moment où je prenais mon café pour le repas de l’aube, préparant une nouvelle journée de ramadan. Un flash d’information, un titre brutal : George Foreman n’est plus.
Un poids immense s’est abattu sur ma poitrine. Sa famille – ma famille – l’a annoncé dans un communiqué sobre, relayé par RFI et tous les grands médias du monde. J’ai lu et relu les mots, espérant y trouver une erreur, un malentendu. Mais non. George, mon ami, mon frère d’armes virtuel, était parti.
J’ai ressenti cette perte comme si nous avions vraiment partagé la même époque, le même temps. Parce que même si notre amitié était née dans les méandres de mon imagination, elle était réelle dans mon cœur. George et moi, c’était une histoire tissée de sueur, de victoires et de silences complices.
Tout avait commencé à Houston, aux États-Unis, dans ces rues brûlantes du Texas, où il avait grandi, et où, dans cette amitié que je m’étais inventée, nous marchions côte à côte. Il était un colosse en devenir, moi son témoin silencieux, son frère d’esprit.
Je l’avais vu frapper ses premiers sacs de sable, transformer sa colère en puissance, grimper les échelons du noble art avec la détermination d’un homme qui refuse d’être défini par ses origines.
Puis étaient venus les Jeux de Mexico en 1968. Ce soir-là, quand il avait terrassé le champion Lituanien Ionas Chepulis et brandi son drapeau, j’avais ressenti cette fierté, comme si j’avais été dans son coin du ring, un regard échangé entre nous, une poignée de main invisible.
Les années suivantes avaient été un déferlement de triomphes. En 1973, lorsque George avait détruit son compatriote Joe Frazier, j’avais senti la force brute de ses poings, l’invincibilité qu’il dégageait. Mais tout avait basculé un an plus tard, en 1974, sous le ciel africain de Kinshasa. Rumble in the Jungle.
J’étais là, quelque part dans cette fiction que je me suis construite, juste derrière lui, le cœur battant à chaque coup porté contre Ali. « Ne t’épuise pas, George ! » avais-je voulu crier, mais ma voix n’avait traversé ni le temps ni l’histoire. Ali avait attendu son heure, et dans le huitième round, tout s’était effondré. George était tombé, et avec lui, une part de la légende que je voulais éternelle.
Il s’était relevé, bien sûr. Toujours. Mais le feu en lui avait vacillé. Quand il avait quitté le ring en 1977, j’avais eu l’impression de perdre un frère.
Et puis, dix ans plus tard, contre toute attente, il était revenu. Plus âgé, plus massif, plus sage. « Qu’est-ce que tu fabriques, George ? » avais-je murmuré à ce spectre de lui que je m’étais créé. Mais il n’avait jamais cessé d’être un guerrier. Combat après combat, il avançait. On riait de lui, on le croyait fini.
Mais moi, BKD, dans ce monde imaginaire où nous étions toujours amis, je savais. Je savais qu’il avait encore quelque chose à prouver.
En 1994, à 45 ans, il l’avait fait. Il avait battu l’américain Michael Moorer et était redevenu champion du monde, le plus vieux de l’histoire.
Quand il avait levé les bras, j’avais serré les poings, comme si je pouvais le rejoindre, traverser l’écran de cette fiction et partager cette victoire avec lui.
Aujourd’hui, il est parti pour de bon. Et pourtant, il est toujours là. Dans ces souvenirs que nous n’avons jamais vraiment vécus, mais qui existent malgré tout.
George Foreman et moi, une amitié virtuelle, une histoire intemporelle. Et quelque part, dans un coin du temps, je l’entends encore rire et me dire : « Tu vois, BKD, un combat n’est jamais vraiment terminé. »
BKD…