Dans son court-métrage de fiction «Astel», la réalisatrice sénégalaise Ramata-Toulaye Sy revient sur une histoire d’amour entre un père et sa fille, pour évoquer un sujet universel : le passage de l’enfance à l’adulte. Ce film a été projeté, dimanche 26 février, dans le cadre de la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco).
Née en France, Ramata-Toulaye Sy a su, malgré sa double culture, conserver intactes ses racines, la tradition de ses parents. C’est en ce sens que la réalisatrice sénégalaise laisse transparaître dans son film «Astel», en compétition officielle dans la catégorie court-métrage de fiction à la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), le silence évocateur faisant la singularité de la culture peule, quand il s’agit d’exprimer certains sentiments et attitudes vis-à-vis des aînés et personnes âgées. Mais aussi, cette propension à taire très souvent les émotions et à intérioriser les sentiments au nom de certaines valeurs morales. C’est donc ce silence enveloppé de pudeur et de dignité qui remplit ce film tourné dans le nord du Sénégal et qui a pour cadre Podor et Matam.
Dans son court-métrage de fiction, dont la langue de tournage est le peul, Ramata-Toulaye Sy a filmé les regards évanescents et mouvements des protagonistes, le magnifique paysage rural, le beuglement et le mugissement des vaches, comme pour s’attarder sur les non-dits ainsi que le dialogue laconique qu’entretiennent ses personnages. Chez les Peuls, la parole n’est toujours pas le moyen de communication le mieux approprié pour exprimer ses sentiments. En effet, les mouvements et regards suffisent largement, même quand il s’agit d’exprimer des sentiments universels, notamment l’amour ou le désir. «Astel» se caractérise par la belle simplicité du récit, un scénario subtil ainsi qu’un propos universel qui accroche et connecte tout le monde.
Il y est question de l’histoire d’amour entre un père et sa fille de 13 ans. Des histoires comme on en voit tous les jours. Dans cet univers de paix et de simplicité, tout changera quand Astel, par la force de la nature, est appelée à passer une nouvelle étape de sa vie de femme. Un passage obligé qui lui rappelle la dure réalité de l’existence.
Scénario subtil.
La réalisatrice sénégalaise s’intéresse à cette transformation dans la vie d’une femme qui se manifeste dans toutes les sociétés humaines. Seulement, le mérite de ce film, c’est d’avoir mis le projecteur sur comment cette transformation dans la vie d’une femme s’opère chez les Peuls. Astel, qui pensait pouvoir continuer, comme elle le faisait depuis toute petite, d’accompagner son père conduire les bêtes tous les matins dans la brousse, voit d’un coup son rêve se confronter à la dure réalité de la vie.
Ce court-métrage de fiction pose aussi la problématique de la féminité et de l’organisation du travail dans certaines sociétés. Celles-ci continuent d’admettre que certains métiers ne doivent pas faire l’objet d’un partage entre les femmes et les hommes. Ainsi, en dépit de sa résistance, la jeune fille se voit obligée de rejoindre sa maman pour s’occuper quotidiennement des travaux domestiques. Le basculement subit d’une fille dans le monde des femmes constitue toute la trame de ce court-métrage de fiction faisant partie de la dizaine de films sénégalais en compétition dans le cadre de la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Avec son film Ramata-Toulaye Sy tentera de succéder à son compatriote sénégalais Moly Kane, Poulain d’or du dernier du Fespaco pour son court-métrage «Serbi, Les tissus blancs». Le film «Astel» a fait sa première mondiale en 2021, à Toronto. Avec plus d’une cinquantaine de sélections dans des festivals, il a remporté plus d’une dizaine de prix, dont une distinction au Festival international du film francophone de Namur. Il est même éligible pour les meilleurs courts-métrages de fiction à la 95e cérémonie des Oscars et pour les César français du meilleur court-métrage en 2023.